L'armistice signé dans la douleur nous offrait à tous deux

le nouvel horizon d'une liberté vécue différemment 

les 54 secondes enjambées s'inscrivaient au tout début

d'une sorte de temps paradoxal pour moi 

combinant une accélération sans précédent de mon immaturité

avec un ralentissement hors du commun de mes facultés à positiver

période sombre au climat de guerre froide où je devins

le consommateur déraisonnable de femmes sans lendemain 

la chute du mur ce serait pour plus tard...

A 55 secondes je n'étais toujours pas dissuadé de la nécessité d'en finir

avec mon ère " âne-atomique " bien au contraire

j'en franchissais les 56 le joint cloué aux lèvres les cheveux

à hauteur d'épaules et converti au pacifisme universel

que je n'arrivais pas à m'appliquer à moi-même

emporté par un élan consumériste irrésistible je ne faisais absolument

aucun progrès sur le plan privé d'autant que le cyberespace boosté

par la barre des 57 secondes  propulsa d'un coup mon petit périmètre étriqué

vers la planète toute entière ;..Ah quel temps savoureux et foisonnant

que celui de l'ubiquité et de la démultiplication...un vrai casse-têtes en soi...

Ayant recouvré mes esprits non sans mal le virage des 58 secondes 

s'annonçait beaucoup plus prometteur plus en phase avec

l'authentique et l'essentiel ma mise au vert prit donc valeur de rédemption

et le mur tomba tout juste avant mon entrée à l'hôpital sous le glas fatidiques 

des 59 secondes cette fois le temps m'était vraiment compté...

Arrivé au terme de ce parcours tout en similitudes

adossé au grand mystère d'un tel voyage mais l'esprit encore plus 

curieux que celui d'un nouveau-né je me demandais une dernière fois

en interrogeant mon maigre bagage homme maintenant que ton coeur

a battu son milliard que chacun des corps aimés fut pays neuf à découvrir

que chacun des amis rencontrés source inépuisable de partages

et chacune des idées exprimées matière vibrante à construire

et reconstruire dans le chaos ou l'harmonie qu'as-tu été qui vaille

vraiment d'en prolonger le souvenir ?

Conformément à mon époque et mon histoire déroulée au fil éphémère

de ma minute la réponse était simplissime : j'ai été je suis et je reste

ce fanatique intransigeant absolu irréductible de la vie...si brève soit-elle...

Brusquement TAC...! sur l'invisible cadran mon aiguille venait de s'arrêter

pour toujours marquant 60.

jean-marc frelier  27/04/2014 (ev)  " les branches effacées " (EC)

Dédicace : M. Gabriel Garcia Marquez

Note de l'auteur : sapiens a environ 200 000 ans d'âge et l'Univers environ 70 000 fois plus